Écouter son corps : qu’est-ce que ça signifie ?

« Il faut écouter son corps », c’est une phrase que l’on entend souvent et que je prône à titre personnel, mais non sans réserves. Sur Instagram, j’ai expliqué à la fois l’importance de manger le matin, mais aussi pourquoi certaines personnes ne ressentent pas la faim. Ne connaissant pas forcément ma vision globale, certains ont alors soulevé ce point : « il faut s’écouter ! Si l’on n’a pas faim, on ne mange pas ! Si le corps ne réclame pas, c’est qu’il n’en a pas besoin ». Mais finalement, sait-on ce que signifie réellement écouter son corps ? Dans certaines situations, on peut même lui faire plus de mal que de bien ! Je vous explique tout.

Écouter son corps, c’est la règle… avec des exceptions !

L’écoute du corps n’est pas à remettre en question dans l’absolu. Il faut bien évidemment être à l’écoute de ses ressentis et ne pas brutaliser l’organisme avec certaines pratiques (qu’on voit aussi en naturopathie ou en nutrition diététique classique).

Dans ma vision de la naturopathie, il n’est pas adapté de mettre des « coups de fouet » au corps ou de soumettre l’organisme à des conditions difficiles. Je préconise souvent d’aller dans le sens du corps, même en cas de dysfonctionnements tels que la candidose. Je prône donc l’écoute du corps et de ses besoins.

Les troubles du comportement alimentaire

Dans mon approche, je prends en considération la complexité du corps humain et je ne nie pas le fait qu’il puisse y avoir une déconnexion entre les ressentis et les besoins réels.

Un exemple très parlant est celui d’une personne souffrant de troubles du comportement alimentaire (TCA). Si l’on part du postulat qu’il faut la laisser écouter son corps, on la laisse vomir, ou alors avaler des quantités énormes de nourriture en très peu de temps. Elle a même raison de le faire, car son corps le lui dicte ! On se rend compte aisément que ce conseil serait aberrant et extrêmement dangereux !

Ici, l’écoute du corps devient ainsi de l’ignorance du vrai besoin. Dans le cas des TCA, les besoins ne se situent bien souvent pas au niveau de l’alimentation, mais de blessures profondes qu’il faut panser, prendre en compte. Le plan psychologique et émotionnel est donc à considérer.

La sensibilité à certains aliments

Aussi, certaines personnes cessent de manger totalement tous les aliments contenant des fibres (légumineuses, légumes, etc.), car dès qu’elles en consomment elles ressentent des troubles digestifs. Le seul fait de l’écoute du corps peut induire le raccourci : « j’ai mal et ces douleurs abdominales sont donc le signal que ces aliments ne sont pas adaptés pour moi. J’arrête d’en consommer. »

Des individus poussent ce raisonnement si loin qu’elles font une analogie surprenante : « si ce n’est pas bon pour mon corps, ce n’est pas bon pour le corps humain de manière générale. Tel aliment provoque des déconvenues, il faut l’éradiquer. »

Ces actions sont toutes menées par le seul fait de vouloir écouter son corps. Suivre cette logique peut s’avérer très dommageable, c’est très important de le comprendre.

Dans mon expérience personnelle, j’ai d’ailleurs eu des périodes où je pensais être totalement intolérante à toute une série d’aliments (alors qu’il s’agissait davantage d’hypersensibilité à ceux-ci). Ajouté à une liste d’aliments que je m’interdisais en prévention (candidose, SIBO, etc.), je me dirigeais tout droit vers une dénutrition dangereuse.

➡️ Pour aller plus loin : Épisode 19 : Candidose, les vraies solutions pour retrouver votre bien-être (sans régime ni antifongique) !

La privation n’est pas une solution

L’impact du retrait des aliments

Retirer tout ce qui nous fait mal peut être sans fin. En écoutant son corps de la sorte, on peut donc finir par avoir des carences extrêmes du fait de l’absence de certains nutriments. Ces carences peuvent mener à des troubles très importants.

Ne pas avoir mal et se sentir bien c’est très différent ! Ne pas avoir mal induit un esprit de lutte. Se sentir bien concerne plutôt une démarche afin d’aller mieux. Ce sont deux approches contrastées.

Pour résumer, on est face à une démarche purement symptomatique et non causaliste. C’est-à-dire que l’on ne cherche pas la cause des douleurs et des problèmes que l’on rencontre, on va plutôt éviter les symptômes. Lorsqu’un ingrédient complètement naturel provoque des souffrances, le corps nous dit que quelque chose ne va pas, et qu’il faut trouver la raison.

Écouter son corps : décalage entre besoin et signaux

Dans le cas précis du petit-déjeuner, ne pas avoir faim est anormal. En effet, physiologiquement, le corps envoie des signaux (production d’enzymes, de cortisol, d’insuline, etc.), parce qu’il a besoin de nutriments à ce moment-là. Le corps demande donc à être nourri. S’il souffre après, c’est la preuve qu’il y a un dysfonctionnement, car le corps humain, bien que complexe, n’est pas incohérent pour provoquer de manière naturelle de telles réactions inverses. La problématique est la même : on met le corps en sourdine au lieu de se pencher sur le vrai souci.

Écouter son corps, c’est le comprendre

Certaines personnes témoignent de grosses douleurs abdominales si elles prennent un petit-déjeuner et préfèrent donc ne pas manger. Se plier en deux lorsqu’on consomme un aliment, c’est complètement anormal et il faut en trouver la cause. Écouter au mieux son corps, c’est justement comprendre pourquoi il a ces réactions pour le traiter de la meilleure des manières.

Mon expérience personnelle

À la suite d’un burn-out, j’avais une perte très importante de l’appétit. Je ne pouvais rien manger avant 16 h, et cela a duré pendant presque deux ans. J’avais donc en tête d’écouter mon corps, étant donné que je n’avais pas faim ! Mais le nourrir pendant presque deux ans avec un repas et demi par jour a eu un impact considérable. En effet, mon métabolisme en a énormément souffert. La relance métabolique est un processus long qui demande beaucoup de patience.

La relance métabolique

J’ai réintroduit le petit-déjeuner avec des aliments « plaisir » qui me faisaient envie, même si c’était en toute petite quantité. La notion de plaisir est importante pour ne pas entretenir le dégoût qu’il peut y avoir autour de certains repas. L’énergie a donc commencé à revenir, le cerveau à mieux fonctionner, et l’appétit à se manifester. Ce cercle vertueux permet alors d’augmenter les quantités et de retourner progressivement à une alimentation normale, en adéquation avec les besoins du corps.

Dérives et dangers

Certains discours aujourd’hui peuvent être dangereux, d’autant plus qu’ils dépassent la sphère personnelle. Ils sont prônés publiquement et donc potentiellement imités par un grand nombre de personnes.

À travers mes consultations en naturopathie, j’ai rencontré beaucoup de femmes avec des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie et aussi beaucoup d’orthorexie). Ces personnes avaient suivi cette logique de l’écoute du corps même si cela impliquait la suppression de repas, d’aliments ou de catégories d’aliments, car elles ne les supportaient pas. À l’inverse, elles pouvaient également compenser par la surconsommation d’une catégorie d’aliments. Cela provoquait un complet déséquilibre des apports nutritifs. J’ai constaté à la fois des amaigrissements très alarmants et au contraire d’importantes prises de poids.

➡️ Pour aller plus loin : Épisode 16. Quand la naturopathie mal exercée mène à des troubles psychiques importants.

Écouter son corps, c’est donc primordial, mais il faut le faire intelligemment ! Dire qu’on écoute son corps alors que les signaux sont perturbés, ce n’est pas une réelle écoute. Ces signaux peuvent être perturbés par du stress, des dérèglements hormonaux, digestifs, métaboliques, etc. Les vrais besoins sont cachés par des symptômes et l’on passe donc de l’écoute du corps à l’écoute des symptômes. J’ai conscience qu’il n’est pas toujours évident de trouver la véritable cause qui se cache derrière un symptôme. C’est parfois même très complexe. Mais c’est important de faire ce travail. Investir en soi, dans sa santé, peut faire peur, notamment par la responsabilisation, la motivation et l’énergie que cela demande. L’humain a tendance à se diriger vers les solutions les plus faciles, mais les besoins du corps doivent être écoutés. Je conclus avec la phrase très juste d’une abonnée sur Instagram : « Écouter son corps, ce qu’il nous dit, c’est une très belle chose, mais il faut le faire de manière intelligente, consciente et réfléchie ».